« Les fautes des pères rejailliront sur les enfants jusqu’à la septième génération »
Les effets des rétroactions négatives peuvent mettre longtemps à se faire sentir.
En dissuadant les activités néfastes, on assure que les systèmes pourront continuer de fonctionner correctement.
Ce principe traite des aspects autorégulateurs de la conception permaculturelle qui permettent de réduire ou décourager la croissance inappropriée et les comportements malvenus. Avec une meilleure compréhension de la façon dont fonctionnent les rétroactions positives et négatives dans la nature, nous pouvons concevoir des systèmes qui sont mieux autorégulés, ce qui réduit le travail induit par de sévères et répétitives actions correctives.
La rétroaction est un concept de l’approche systémique qui est entré dans l’usage commun grâce à l’ingénierie électronique. Le principe 3 Créer une production décrivait une rétroaction dans laquelle l’énergie provenant de stocks permettait de collecter davantage d’énergie. Il s’agit d’un exemple de boucle de rétroaction positive. On peut voir cela comme un accélérateur qui pousse le système en direction de l’énergie librement disponible. De la même façon, une rétroaction négative est un frein qui empêche le système de se développer, de s’épanouir voire de s’optimiser. Par exemple ici en le faisant tomber dans la pénurie et l’instabilité à cause de la surexploitation ou de la mauvaise utilisation de l’énergie.
On pourrait dire que les systèmes auto-entretenus et autorégulés sont le « Saint Graal » de la permaculture, un idéal que nous nous efforçons d’atteindre sans peut-être jamais y parvenir complètement. On peut réaliser l’essentiel de cet idéal en appliquant les principes 8 et 10 (diversité et intégration) mais aussi en maximisant l’autonomie et l’efficacité énergétique de chaque élément d’un système. Un système composé d’éléments autonomes est plus robuste face aux perturbations extérieures. L’utilisation de variétés végétales ou de races animales rustiques, semi-sauvages et capables de se reproduire seules au lieu des variétés sursélectionnées et fragiles est une stratégie permaculturelle classique qui illustre ce principe. Plus généralement, une paysannerie auto-suffisante était considérée autrefois comme le fondement d’un pays fort et indépendant. Les économies mondialisées d’aujourd’hui conduisent à une plus grande instabilité puisque des effets peuvent se propager en cascade sur toute la planète. La restauration de l’autonomie aussi bien au niveau élémentaire qu’à celui du système entier augmente la résilience. Dans un monde de descente énergétique, l’autonomie deviendra une valeur plus prisée à mesure que le flux continu de ressources abondantes se tarira et que les économies d’échelle et les avantages de la spécialisation s’amenuiseront .
Les organismes aussi bien que les individus s’adaptent aux rétroactions négatives des systèmes naturels et communautaires à grande échelle en élaborant des mécanismes d’autorégulation pour anticiper et éviter l’impact plus sévère de ces rétroactions négatives externes. Les kangourous et les autres marsupiaux interrompent le développement de leurs embryons si les conditions saisonnières paraissent défavorables. Cela réduit les tensions ultérieures sur la population et sur l’environnement.
Les sociétés traditionnelles étaient conscientes que les effets des boucles de rétroaction externes mettaient un certain temps à se faire sentir. Les gens avaient besoin d’explications et de mises en garde, par exemple « les fautes des pères rejailliront sur les enfants jusqu’à la septième génération » et les « lois du karma » qui s’appliquent dans un monde d’âmes réincarnées.
Dans la société moderne, pour satisfaire nos besoins, nous avons pris l’habitude d’être fortement dépendants de systèmes à grande échelle, souvent éloignés, tout en voulant rester totalement libres dans nos actions, sans contrôle externe. En un sens, notre société est comme un adolescent qui veut tout, et tout de suite, sans vouloir supporter les conséquences. Même dans les communautés plus traditionnelles, les anciens tabous et interdits ont perdu beaucoup de leur autorité ou sont devenus écologiquement inadaptés du fait des changements de l’environnement, de la densité de population et de la technologie.
Le développement de comportements et de cultures mieux adaptés aux signaux de rétroaction que la nature nous envoie pour prévenir la surexploitation est l’un des défis des écologistes. Les rétroactions négatives doivent être bien ciblées et suffisamment fortes pour susciter un changement, mais pas trop fortes, au risque d’obérer le développement futur du système. Par exemple, la récupération et l’utilisation de l’eau de pluie dans une maison fait prendre conscience des limites en quantité et en qualité. Si le conduit d’un poêle à bois donne un goût de fumée à l’eau, ce signal négatif entraîne une action corrective. Trop souvent, on est tenté de concevoir des systèmes durables qui seraient à l’abri des aléas de la rétroaction négative de l’extérieur. C’est comme quand on essaie d’élever des enfants dans un environnement aseptisé et protégé : cela conduit à des risques futurs encore plus sérieux. Il est clair que si l’on doit accepter ouvertement les risques de rétroaction négative, il faut pouvoir les réduire par l’application de principes éthiques, d’abord à nous-mêmes, puis à nos familles et à nos communautés, plutôt qu’extérioriser le risque, comme c’est le plus souvent le cas dans les économies industrielles à grande échelle.
L’hypothèse « Gaia », qui considère la planète comme un système autorégulé, analogue à un organisme vivant, fait de la terre entière une parfaite illustration de ce principe. Les preuves scientifiques de la remarquable homéostasie de la terre pendant plusieurs centaines de millions d’années nous montrent que la terre est l’archétype même du système global auto-régulé qui a su à la fois choyer la permanence et stimuler l’évolution des formes de vie et des sous-systèmes qui la constituent.
Le cinquième principe de la permaculture : utiliser et valoriser les services et les ressources renouvelables.