« Laissons faire la nature »
La quête de la maîtrise totale de la nature par l’utilisation des ressources et de la technologie n’est pas seulement coûteuse, elle peut aussi mener à une spirale d’interventions et de dégradations des systèmes et des processus biologiques qui représentent déjà le meilleur équilibre entre productivité et diversité.
Les ressources renouvelables sont celles qui peuvent être remplacées et renouvelées par des processus naturels sur des périodes de temps raisonnables, sans apports essentiels non-renouvelables. En langage comptable, les ressources renouvelables sont nos sources de revenu, alors que les ressources non-renouvelables peuvent être envisagées comme un capital immobilisé. Tout le monde comprend bien qu’on ne peut pas durablement dépenser le capital pour les dépenses courantes. La conception permaculturelle doit rechercher la meilleure utilisation possible des ressources naturelles renouvelables pour créer une production puis la maintenir, même s’il est parfois nécessaire d’utiliser certaines ressources non-renouvelables pour établir les systèmes au départ.
La plaisanterie qui présente la corde à linge comme un sèche-linge solaire a un effet comique parce que nous voyons qu’on nous a berné quand nous en arrivons à utiliser des gadgets complexes et inutiles pour des tâches si simples. D’un côté tout le monde admet volontiers que la corde à linge a des années d’avance sur le sèche-linge électrique en terme de durabilité, et pourtant de l’autre, peu de gens considèrent encore le bois comme une source d’énergie écologique appropriée. Toutes les forêts exploitées de façon durable génèrent un surplus de bois bon marché qui, lorsqu’il est séché correctement (séchage solaire), peut constituer une ressource locale pour le chauffage et la cuisson dans des poêles et des cuisinières bien conçus.
De même que le bois n’a pas forcément toutes les caractéristiques que nous pourrions souhaiter pour un combustible, de même la médecine par les plantes ne fournit peut-être pas une pharmacopée complète ; toutefois nous pouvons traiter efficacement une grande partie de nos maux avec des plantes médicinales cultivées et transformées localement. Ce faisant, nous évitons bien des effets secondaires indésirables, aussi bien internes qu’externes, causés par l’industrie pharmaceutique centralisée ; nous montrons plus de respect envers la nature ; et nous nous sentons plus confiants quant au maintien de notre propre santé.
Les services renouvelables (ou fonctions passives) sont ceux fournis par les plantes, les animaux, la vie du sol et l’eau sans qu’ils soient consommés. Par exemple, lorsque nous utilisons un arbre pour son bois, nous consommons une ressource renouvelable, mais lorsque nous nous en servons pour l’ombre et l’abri qu’il nous apporte, nous tirons de cet arbre des bénéfices qui ne s’épuisent pas et ne nécessitent aucune dépense d’énergie. Ce simple constat est évident et pourtant essentiel pour reconfigurer des systèmes dans lesquels de nombreuses fonctions simples sont devenues dépendantes de l’utilisation de ressources non renouvelables et non-durables.
Les systèmes permaculturels se servent classiquement des cochons ou des poules pour préparer le sol avant de planter, évitant ainsi le recours au tracteur ou au motoculteur, aux pesticides et aux engrais chimiques. Dans ces systèmes, avec un minimum de gestion et de travail sur les clôtures, on peut utiliser les animaux de façon sophistiquée pour remplir de multiples fonctions.
Un système permaculturel doit utiliser le mieux possible les services naturels inépuisables afin de minimiser notre consommation des ressources et mettre l’accent sur les possibilités harmonieuses d’interaction entre les humains et la nature. Il n’y a pas de meilleur exemple, dans l’histoire de la prospérité humaine obtenue par l’utilisation durable des services de la nature, que la domestication du cheval et des autres animaux et leur emploi pour le transport, le labour et une multitude d’autres activités demandant de l’énergie. Les étroites relations développées avec les animaux domestiques, comme le cheval, favorisent aussi un contexte empathique pour étendre nos préoccupations éthiques et y inclure la nature. D’autre part, dans les cultures où le bétail est encore un symbole dominant de statut social et de richesse, les services renouvelables plus fondamentaux fournis par les plantes et la vie du sol doivent être davantage reconnus, valorisés et utilisés. Au sein des communautés, qu’elles soient riches ou pauvres, la prise en compte de la valeur de nos déjections comme source renouvelable de fertilité, débarrassée de ses pathogènes par la fonction écologique des microbes dans des toilettes à compost, est l’une des applications essentielles et universelles de ce principe.
Le sixième principe de la permaculture : ne pas produire de déchets.