Partir des structures d’ensemble pour arriver aux détails

« C’est l’arbre qui cache la forêt »

Les détails ont tendance à brouiller notre perception de la nature du système.
Plus nous nous approchons, moins nous pouvons appréhender le tableau général.

Les six premiers principes considèrent les systèmes selon une perspective ascendante, partant des éléments, des organismes et des individus. Les six principes suivants adoptent plutôt une perspective descendante partant des modèles et des relations qui résultent de l’auto-organisation et de la coévolution des systèmes. La similarité des formes qu’on peut observer dans la nature et dans la société permet non seulement de comprendre ce qu’on voit, mais aussi de s’inspirer d’un motif qu’on observe à une certaine échelle et dans un certain contexte pour la conception d’un système à une autre échelle. La reconnaissance de formes est le résultat de l’application du principe : Observer et interagir ; c’est également le préalable nécessaire au processus de conception permaculturelle.

La toile d’araignée, avec son tracé concentrique et radial, dessine un motif bien visible, même si les détails varient toujours. Ce symbole évoque la planification en zones et secteurs. C’est la notion permaculturelle la plus connue et probablement la plus utilisée.

La modernité a fini par bousculer tout bon sens ou intuition d’ensemble qui permettraient d’ordonner le fouillis de possibilités et de choix de conception auxquels nous sommes confrontés dans tous les domaines. Cette tendance problématique à se focaliser sur la complexité des détails débouche sur des usines à gaz impressionnantes mais qui ne fonctionnent pas, ou des solutions monstrueuses qui mobilisent toutes nos énergies et nos ressources tout en menaçant constamment de devenir incontrôlables. Souvent, les systèmes complexes qui fonctionnent sont ceux qui se sont développés à partir de systèmes plus simples et viables. Par conséquent, pour concevoir un système il est plus important de trouver un schéma d’ensemble approprié que de comprendre tous les détails des éléments du système.

L’idée qui a lancé la permaculture a été d’appliquer à l’agriculture le modèle de la forêt. Cette idée n’était pas nouvelle, mais elle était si peu appliquée ou développée dans de nombreuses cultures et écorégions que ce fut l’occasion d’appliquer aux terres utilisées par l’homme l’un des modèles d’écosystèmes les plus répandus. Le modèle forestier a ses limites et il est parfois critiquable ; il n’en demeure pas moins un exemple solide de l’approche systémique, et il continue de façonner la permaculture et les concepts proches tels que ceux du jardin-forêt, de l’agroforesterie et de la foresterie analogue.

Pour aider à la mise en place des éléments et des sous-systèmes, on subdivise en zones l’espace autour du centre d’activité, tel que l’habitation sur une ferme, selon leur intensité d’utilisation : c’est un exemple de démarche permaculturelle qui part d’un modèle général pour aboutir aux détails. De même, les facteurs environnementaux tels que la direction du soleil, les vents dominants, les zones inondables et la provenance des incendies peuvent être ordonnés en secteurs autour du même point focal. Ces secteurs ont un caractère à la fois spécifique au site et à l’écorégion que le concepteur en permaculture doit garder en tête pour bien comprendre un site et permettre l’agencement d’éléments de conception appropriés pour créer un système viable.

L’utilisation de baissières (swales) et d’autres formes de terrassement pour distribuer et canaliser les eaux de ruissellement doit s’inspirer de motifs topographiques premiers. Ces ouvrages créent à leur tour des zones humides productives qui conditionnent les systèmes de culture et les méthodes de gestion.

Alors que les systèmes agraires traditionnels fournissent beaucoup d’exemples de conception prenant en compte le système dans sa totalité, les populations trop ancrées dans leur culture locale ont souvent besoin d’apports extérieurs nouveaux pour leur permettre d’envisager leurs paysages et leurs communautés sous un jour nouveau. Dans certains des projets pionniers « Landcare » en Australie dans les années 80, les photographies aériennes de leurs exploitations ont donné aux agriculteurs à la fois une image et la motivation pour commencer sérieusement à s’attaquer au déclin du boisement et aux problèmes de dégradation des sols. Depuis le ciel, les divisions cadastrales étaient moins visibles alors que les motifs hydrographiques naturels étaient mis en évidence. De la même façon, c’est plus souvent le contexte communautaire et social au sens large, davantage que les éléments techniques, qui détermine le succès d’une solution spécifique. La liste est longue des projets de développement à l’étranger qui ont échoué faute d’avoir pris en compte ces facteurs.

Le huitième principe de la permaculture : intégrer plutôt que séparer